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Le Dôme

Cesar Harada : un esprit ouvert et créatif

Publié par Guillaume Dupuy, le 27 janvier 2015   1.7k

À seulement 31 ans, Cesar Harada est devenu l’un des meilleurs représentants de cette nouvelle génération d’entrepreneurs capable de faire rimer environnement, économie et nouvelles technologies. Il est l’invité des rencontres Grand témoin 2015.

Inventeur, environnementaliste et entrepreneur franco-japonais, Cesar Harada s’est fait connaître grâce à son projet “Protei”, un navire autonome à coque modulaire développé en mode open source avec la communauté “Open-H2O”. Un projet qu’il développe depuis près de 5 ans.

Cesar, le globe-trotteur

Cesar Harada est né à Bayonne en 1983 d’un père japonais, le sculpteur Tetsuo Harada, et d’une mère française. Il grandit à Saint-Malo puis part pour Paris où il intègre le lycée des métiers d’art, de l’architecture intérieure et du design de l’Ecole Boulle. Malgré une scolarité difficile, il décroche son baccalauréat avec une mention “Très bien”.

Il rentre ensuite aux Arts décoratifs et fréquente les ateliers de l’Ecole supérieure de création industrielle (ENSCI), un lieu qui l’attirait “parce qu’il y voyait les étudiants travailler la nuit” comme l’écrit Jean-Noël Lafargue, l’un de ses anciens enseignants, sur son blog. ”Cesar me parlait beaucoup de projets tangibles, d’électronique ”libre”, et je trouvais son goût pour le bricolage sérieux admirable”, confie-t-il également.

On le retrouve ensuite à Londres sur les bancs de Central Saint Martins et du Royal College of Art, deux prestigieuses universités spécialisées dans le design, où il développe le projet “Anaconda”, un bateau qui récupère l’énergie des vagues pour se déplacer. Nouveau pays, nouveau projet. Cesar débarque à Nairobi (Kenya) où il travaille pour “Ushahidi” [“Témoin” en Swahili, ndlr], un système de veille participative [“Crowdsourcing”, ndlr] qui permet à tout un chacun de localiser et d’alerter sur un événement, comme une violence ou une pollution.

Cesar, l’environnementaliste

En avril 2010, sa vie connaît un nouveau tournant avec l’explosion de la plateforme pétrolière “Deepwater Horizon” qui engendre une marée noire de grande envergure et un désastre écologique sans précédent sur les côtes de la Louisiane (Etats-Unis). Repéré par une agence de l’ONU, Cesar Harada est recruté par le Massachussetts Institute of Technology (MIT) de Boston. Il prend la tête d’une équipe d’ingénieurs pour travailler sur une solution d’absorption des particules de pétrole mais les choses ne se passent pas comme prévu.

Le MIT le contraint à utiliser les technologies peu efficaces des entreprises finançant le laboratoire et veut placer ses inventions sous brevet. Une situation inadmissible pour ce militant des logiciels libres qui finit par quitter son poste. “Cette logique propriétaire me semble contradictoire avec le but que je poursuis : si on souhaite avec un impact positif sur l’environnement, il faut tout faire pour que ce que l’on développe soit mis à disposition facilement du plus grand nombre pour que la diffusion soit la plus massive. C’est ce que permet une logique ouverte” se justifie-t-il auprès du club d’innovateurs “Without Model”.

Il n’abandonne pourtant pas la cause. Direction de la Nouvelle-Orléans où il pose ses valises sur le canapé d’un ami et s’engage avec la “Louisiana Bucket Brigade” pour cartographier l’étendue de la nappe de pétrole dans le Golfe du Mexique. C’est à ce moment qu’il commence à imaginer le projet qui va le faire connaître dans le monde entier : Protei.

Cesar, l’entrepreneur

Au contact direct de la marée noire et de ses victimes, Cesar Harada a une révélation : les méthodes mises en œuvre pour collecter le pétrole sont non seulement inefficaces mais dangereuses pour les bénévoles. Il a alors l’idée d’un drone nautique autonome et open source capable d’opérer, sans intervention humaine, sur les 3 principales pollutions d’origine humaine : le pétrole, les plastiques et la radioactivité.

Sans structure pour développer le projet, il réunit des bonnes volontés grâce à Internet, il finance tout d’abord ses recherches sur ses fonds propres (10 000 dollars) puis lance une campagne de crowdfunding sur Kickstarter. Les fonds obtenus (33 000 dollars) ne suffisent cependant pas à couvrir les frais de développement du bateau. De retour à Londres après avoir décroché un poste d’enseignant à la Goldsmith University, Cesar est lâché par ses investisseurs potentiels. Il poursuit néanmoins de faire avancer le projet dans des conditions très précaires [Il a vécu dans une yourte installée sur le toit d’un immeuble du quartier d’affaires de la City, ndlr].

Le vent tourne en juin 2012 lorsque le jeune trentenaire est invité à présenter son projet sur la scène des conférences TED à Dubaï. “Devant l’assistance, je tente le tout pour le tout et fait comme si tout allait au mieux pour moi et Protei” confie-t-il aux journalistes de We Demain. Son intervention est un succès. Il décroche un prix environnemental de 300 000 dollars et une place à bord de la “Unreasonable at sea”.

Cesar Harada vit aujourd’hui à Shenzen au cœur de la Silicon Valley chinoise, à proximité des matériaux électroniques à bas coût. Il a ouvert un atelier où designers et ingénieurs travaillent en relation avec les membres de la communauté Open H2O. Protei a déjà été testé à Fuskushima pour mesurer la radioactivité à proximité de la centrale.

Une première version du drone a été commercialisée, une trentaine d’unités ont été commandées par des particuliers. Protei est également open source : à condition de citer la marque “Protei”, n’importe qui, y compris des industriels, peut télécharger les plans et fabriquer le drone. “On créé un marché pour avoir un impact environnemental fort” résume Cesar Harada.

A la recherche permanente de financements pour assurer une production à grande échelle, Cesar Harada continue de sillonner le monde pour présenter son projet tout en restant fidèle à son éthique personnelle que Jean-Noël Lafargue décrit ainsi : “la nature d’abord, le gens ensuite, la technologie après, et enfin, l’argent”.