Claire Bidart : 20 ans... et après ?

Publié par Fête de la Science en Normandie, le 5 octobre 2015   1.5k

Claire Bidart est sociologue au Laboratoire d’économie et de sociologie du travail (LEST). Depuis 1995, elle mène avec son équipe une enquête de grande ampleur sur la construction et l’évolution des réseaux personnels.

Regarder grandir une population de jeunes, observer leurs réseaux personnels se construire, analyser leurs évolutions tout au long des évènements de la vie, tel était l’objectif du “Panel de Caen”, une enquête menée par la sociologue Claire Bidart qui fête ses 20 ans à l’occasion de la 24ème édition de la Fête de la Science.

CLAIRE BIDART, BONJOUR.
QUEL EST VOTRE SUJET DE RECHERCHE ?

Après une thèse sur l’amitié à l’EHESS de Marseille, j’ai débuté ma carrière professionnelle en 1995 au CNRS avec un projet, un grand projet : regarder grandir une population de jeunes et observer l’évolution de leurs réseaux personnels. Au départ, je voulais comprendre comment les individus prennent leurs décisions et orientent leur vie. Nous ne sommes pas des atomes isolés dans l’Univers, nous sommes entourés de personnes qui nous influencent. Dans le même temps, c’est nous qui choisissons cet entourage. Nous sommes libres de nous faire des amis, de les laisser tomber, d’avoir ou non des relations avec notre famille. Finalement, nous construisons notre entourage et notre entourage nous construit.

COMMENT AVEZ-VOUS PROCÉDÉ
POUR ÉTUDIER CES RÉSEAUX ?

L’idée était de constituer un panel de jeunes de 17 à 23 ans et de le suivre en l’interrogeant tous les 3 ans. Nous avons donc sélectionné une centaine de filles et de garçons en classe de Terminale ES, en Bac professionnel et en stage d’insertion à Caen et dans les alentours. Quelques-uns ont abandonné l’enquête depuis mais ils étaient encore une soixantaine lors de la dernière vague en 2007.Chaque entretien dure entre 4 et 11h. Nous faisons la liste de leurs connaissances, amis, copains, familles. Nous observons les changements et leur demandons de nous raconter leur vie. On parle de beaucoup de choses. Voilà maintenant 20 ans que nous réalisons ce travail. Il fallait fêter cet anniversaire !

COMMENT AVEZ-VOUS PRÉVU
DE CÉLÉBRER CET ÉVÈNEMENT ?

Pour nous, fêter ces 20 ans, c’est d’abord réunir celles et ceux qui, depuis des années, nous donnent du temps, de l’énergie et de la confiance aussi. Nous avons envie de leur faire plaisir, de leur rendre un petit peu de ce qu’ils nous ont donné. Nous allons leur présenter les résultats de cette enquête et écouter leurs réactions. Ce sera l’occasion pour eux de nous poser des questions, nous avons fait l’inverse pendant des années ! Et puis, nous nous sommes dit que cela pouvait être intéressant de convier un plus large public à cette rencontre. Nous avons donc créé une exposition et nous proposerons un cycle de conférences et de tables rondes. Enquêteurs, enquêtés, grand public, … La Fête de la Science sera l’occasion de mettre toutes ces personnes en présence et de répondre ensemble à cette question : qu’est-ce que l’on a appris ?

20 ANS... ET APRÈS ?

Notre enquête a été lancée avant l’émergence des réseaux socio-numériques comme Facebook. Les sociologues se posent aujourd’hui beaucoup de questions sur ces outils. Nous allons donc lancé une nouvelle vague d’entretiens cet automne. Notre objectif est de comprendre l’impact des réseaux socio-numériques dans la sociabilité et la stabilité de l’entourage. Nous allons constituer une nouveau groupe de jeunes de 18 à 20 ans, c’est-à-dire le même âge que les premiers participants en 1995. Comment ont-ils adopté des outils tels que les SMS ? Qu’en font-ils ? Utilisent-ils Facebook de la même façon ? Est-ce que ces réseaux changent leurs pratiques amicales, leur vision de leurs relations, leur conscience de leur réseau ? Cela va nous permettre de donner un petit “coup de frais”, de faire de cette enquête maintenant ancienne une enquête contemporaine… mais avec le recul de 20 ans d’histoire.


Propos recueillis par Vicky Fiquet.
CréditsFederico Feroldi (FlickR, Licence CC).