Le CHENE et son étude de la mortalité du hérisson d’Europe

Publié par Association CHENE, le 14 mars 2023   1.1k

Au sein du centre de sauvegarde de l’association, c’est l’un des animaux que nous accueillons invariablement chaque année : le hérisson d’Europe (Erinaceus europaeus). Au fils des ans, les soigneurs ont pu constater l’augmentation du nombre de hérissons admis au centre, ainsi que le fort taux de mortalité de ces individus. Alarmés par la situation et craignant de faire face à une menace émergente pour l'espèce, le CHENE a lancé une enquête scientifique sur la mortalité du hérisson.

Premier constat : l’accueil croissant d’animaux est (en partie) lié à la notoriété grandissante de l’association

D’année en année, l’association a réussi à accroître sa notoriété. Depuis sa création, elle communique autour de ses actions de sauvegarde et d’éducation à la nature. L’association a donc progressivement réussi à se faire connaître auprès du grand public qui est lui-même plus sensibilisé à la faune sauvage.
C’est une des raisons pour lesquelles le nombre d’animaux accueillis a augmenté au fil du temps. Les découvreurs d’animaux blessés ont connaissance de l’existence du CHENE sur le territoire normand et ils peuvent donc se tourner vers l'association, au besoin.

Cependant, l’augmentation importante du nombre de mammifères accueillis au centre de sauvegarde n’est pas seulement le fait de la notoriété de la structure. En réalité, cette augmentation est surtout liée à celle du hérisson d’Europe qui est accueilli au CHENE plus que n’importe quel autre mammifère.

Les hérissons sont admis au centre de soins pour des causes très variables

Concernant le hérisson, les causes d’accueil prédominantes sont catégorisée comme « orphelins » pour les petits non sevrés : des juvéniles accueillis au centre sans leur mère pour diverses raisons ; et « maladie » pour les immatures mal en point. (Les "immatures" sont des individus plus âgés que les juvéniles mais pas encore adultes. )

De manière générale, les causes d’accueil des hérissons peuvent être dues à de la prédation (souvent provoquée par des animaux domestiques), à des blessures liées aux activités humaines (fils à couper, tondeuses), des chocs, empoissonnements, maladies, un état de faiblesse généralisé, etc…

Chaque année, le centre de soins accueille ainsi un très grand nombre de jeunes hérissons.
Par exemple, en 2021, 691 hérissons ont été admis. Sur ces 691 hérissons, 158 étaient adultes (36,9%), 89 immatures (20,8%), 181 juvéniles (42,3%). Par contre en 2022, la tendance est à la baisse pour le total d’accueils : 428 hérissons accueillis, dont 209 adultes (30,2%), 196 immatures (28,7%), 286 juvéniles (41,4%). Nous restons sur une majorité de jeunes orphelins.

Plusieurs hypothèses ont été évoquées afin d’expliquer ce taux d’admission des hérissons. Ces chiffres pourraient être expliqués par l'augmentation de population de hérissons, à un niveau local. Autre hypothèse, évoquée précédemment, les hérissons pourraient être ramassés et ramenés plus souvent qu’auparavant au centre de soins, car les découvreurs d’animaux blessés sont davantage sensibilisés.

Réalisation de l'étude

L’étude, débuté en 2019 et achevée en 2021, a été coordonnée par le CHENE et par le pôle Expertise Vétérinaire et Agronomique Animaux Sauvages (EVAAS) de VetAgro Sup, en collaboration avec trois autres écoles vétérinaires françaises (ENVT, Oniris et ENVA), ainsi qu’avec le Laboratoire Départemental d’Analyse de Seine-Maritime (LDA76), le laboratoire d’anatomopathologie Vet Diagnostics et les laboratoires de biologie médicale, toxicologie et parasitologie de VetAgro Sup.

Cet article s'appuie sur le rapport d'étude « Recherche sur la mortalité importante et inexpliquée du Hérisson d'Europe ( Erinaceus europaeus) au Centre d'Hébergement et d'Etude sur la Nature et l'Environnement (CHENE). »

Les analyses

Dans un premier temps, l'analyse des registres des animaux admis au CHENE à permis de confirmer et de chiffrer l'augmentation du nombre hérissons accueillis. Le taux de mortalité a également été analysé et a révélé qu'il était plus élevé après 2012 chez les jeunes hérissons.

Les soigneurs du CHENE ont réalisé des nécropsies et des prélèvements sur 159 hérissons admis et décédés au centre de soins. Ils se sont intéressés à divers organes (poumons, cœur, foie, reins, encéphale, système lymphatique, l’estomac, intestins, rate et tout autre organe suspect). Les prélèvements ont ensuite été analysés.

Ces analyses portaient sur les tissus (analyse histologique), sur les bactéries, les parasites, les toxines et sur la recherche de contaminants et d’anomalies sanguines.

Résultats de l'étude

Les analyses ont révélé que les bactéries étaient la cause principale de mortalité chez les individus étudiés. Concernant ces bactéries, certaines sont très communément rencontrées chez cette espèce, d’autres sont émergentes. Parmi les bactéries identifiées, nombre d’entre elles sont zoonotiques, c’est-à-dire qu’elles peuvent se transmettre de l’animal à l’homme.

Les analyses ont également révélé la présence de rodenticide AVK dans le foie chez 42% des individus analysés. Elles ont également mis en évidence, dans organismes des individus étudiés, la présence de plomb (dans 79% des cas) , de cadmium (dans 90% des cas) et de cuivre (dans 100% des cas). Concernant le cuivre, l'intégralité des individus présentaient des doses compatibles avec une exposition environnementale.

Les analyses toxicologiques se sont penchées sur plus de 200 molécules de pesticides, mais aucune exposition n’a été relevée chez les hérissons décédés.

Conclusion

Les causes de mortalité des hérissons de l’étude n’ont pas systématiquement pu être déterminées (elles demeurent inconnues pour 15% des cas étudiés). Blessures, traumatismes, faiblesse générale (hypothermie, déshydratation…) représentent également une grande proportion des causes de mortalité, mais l’infection bactérienne prédomine.

Les raisons de cette surmortalité du hérisson d’Europe pourraient résulter de l’association de plusieurs causes listées ci-dessus (parasitaire, bactériologique, toxicologique). Des études, menées à l’échelle nationale ou européenne permettraient d’approfondir ces résultats.

Ils parlent de l'étude : 

• La Gazette du LABORATOIRE
Etude de la santé des hérissons, quels enjeux pour cette espèce protégée ? 
• VetAgro Sup
Étude de la santé des hérissons, quels enjeux pour cette espèce protégée ? 

• Ouest France
Les hérissons plus sensibles aux bactéries
? 

• Le Courrier Cauchois 
Allouville-Bellefosse. Mortalité inquiétante des hérissons : les premiers résultats de l'étude 

• Paris Normandie
Pourquoi nos hérissons sont-ils victimes de surmortalité ? En Seine-Maritime, le CHENE a mené l’enquête


Article : Gersande Lemarchand et Laure Prevost