Bioplastique, biofantastique : Plastique, kezako ?
Publié par Le Dôme, le 28 novembre 2023 840
S’il est vrai que le plastique est la plus grande pollution de tous les temps, peut-on compter sur les bioplastiques et les matériaux biosourcés pour le remplacer ? Telle était la question posée aux publics de cette nouvelle édition des rencontres “Le vrai, le faux, le flou” le 17 octobre 2023. Dans cette première partie de la restitution de cette rencontre, les spécialistes ont décrypté ce que l’on nomme “plastiques” et se sont penchés sur leurs procédés de fabrication et leurs cycles de vie.
Deux millions de tonnes de plastique produites en 1950, 234 millions en 2000, 460 millions aujourd’hui et, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), entre 800 millions et 1,2 milliard en 2060… dont plus de 10% échapperaient aux systèmes de gestion des déchets et finiraient directement dans la nature. Dans nos océans, nos sols et notre assiette. Si les scientifiques peinent encore à mesurer l’ampleur du phénomène – certain·e·s prédisent qu’il y aura plus de plastique que de poissons dans les océans en 2050 – tous et toutes se disent préoccupées par les conséquences écologiques et sanitaires de “la plus grande pollution de tous les temps”.
Face à la menace que font peser les plastiques sur notre planète et sur nos vies, les scientifiques et les industriels travaillent à des alternatives plus durables, biosourcées et biodégradables. Mais de quoi s’agit-il exactement ?
PLASTIQUE, KEZAKO ?
Le plastique est apparu dans nos vies au 20ème siècle. Delphine Barbier, enseignante-chercheuse à Polyvia Formation, organisme de formation et de recherche en plasturgie et composite sur le campus universitaire d’Alençon, préfère parler de “matières plastiques”. Des matières constituées de “polymères, c’est-à-dire de macromolécules composées par la répétition de plusieurs petites molécules, et d’additifs qui ont pour finalité de modifier les propriétés du polymère”. Les plastiques conventionnels (dont le polyéthylène ou PE et polypropylène ou PP) sont aujourd’hui obtenus à partir d’hydrocarbures et constituent plus de 99% de la production mondiale de plastique ! [390,7 millions de tonnes en 2021 selon Plastics Europe, ndlr].
BIOSOURCÉS OU BIODÉGRADÉS ?
Le reste, soit moins de 1 % [1,8 million de tonnes en 2021 selon European Bioplastics, ndlr], correspond donc à la production mondiale de bioplastiques. Et là, côté définition, ça se complique. Car le terme englobe à la fois des matières biosourcées, c’est-à-dire issues de la biomasse (des ressources naturelles, renouvelables et principalement agricoles telles que l’amidon, le saccharose ou les huiles végétales), et des matières biodégradables ou compostables, qui peuvent être décomposées par des micro-organismes dans l’environnement, sur un temps court comme très long. Un plastique biodégradable n’est donc pas forcément biosourcé et inversement.
"Des plastiques pétrosourcés peuvent être biodégradables
et des matières biosourcées ne pas l'être, en raison de leur nature chimique."
— Delphine Barbier, Enseignante-chercheuse (Polyvia Formation)
Pis encore, “des plastiques pétrosourcés peuvent être biodégradables (comme le polybutilène adipate téréphtalate, ou PBAT, notamment utilisé pour fabriquer des emballages, et qui peut être compostable, NDRL) et des matières biosourcées ne pas l’être, en raison de leur nature chimique”, explique encore Delphine Barbier. Ce qui est le cas pour près de 44 % des bioplastiques produits aujourd’hui.
Notons enfin que le terme “biosourcé” s’applique dès lors qu’un matériau est composé a minima à 30% de biomasse. “Il n’est donc pas impossible pour un bioplastique d’être pétrosourcé, ou composé d’autres énergies fossiles.” Des plastiques plus conventionnels peuvent aussi être biosourcés. Ainsi le PET (poly-éthylène-téréphtalate) des bouteilles plastiques, peut contenir jusqu’à 30% de composants d’origine végétale.
DES PLASTIQUES “À NOURRIR”
Il existe différentes “familles” de bioplastiques comme les PLAs (acide polyactique) et les PHAs (polyhydroxyalcanoates), pour les plus connus. Ils sont également nommés les “bioplastiques bactériens”, car ils sont synthétisés à partir de bactéries. La recherche et l’industrie concernant ces biopolymères sont en plein essor. Ce sont eux, et plus particulièrement les PHAs, qu’étudie depuis quinze ans le laboratoire de recherche “Aliments, bioprocédés, toxicologie et environnements” (ABTE) à l’université de Caen Normandie. Joël Bréard est enseignant-chercheur, membre de l’équipe “Écoprocédés, transferts vers l’environnement et les aliments” (EcoTEA) de ce laboratoire. Il explique que la production de ces bioplastiques “n’est pas toujours plus respectueuse de l’environnement que pour les plastiques pétrosourcés. Les bactéries permettant la production de ces polymères, notamment les PLAs, ont besoin d’être nourries, notamment de glucides tel que l'amidon de maïs. Pour une production à l’échelle industrielle, il faut alors beaucoup de sols pour cultiver ces glucides ce qui nécessite de plus beaucoup d’énergie et de ressources en eau.”
Ainsi l’Atlas du plastique précise que la production d’une tonne de PLA exige 2,39 tonnes de maïs, 0,37 hectare de terre et 2 921 m3 d’eau. Cela signifie une utilisation massive de terres arables et des besoins en eau conséquents. Même si le besoin énergétique est moindre pour le bioplastique que pour le plastique pétrosourcé, ces chiffres imposent une nécessaire réflexion vis-à-vis d’une production à très grande échelle. La question de l’usage de pesticides pour assurer des rendements agricoles entre aussi en jeu pour la production de ces bioplastiques !
"La production des bioplastiques n'est pas toujours plus respectueuse de l'environnement.
Une production à l'échelle industrielle nécessite beaucoup d'énergie et de ressources en eau."
— Joël Bréard, Enseignant-chercheur (ABTE)
Cette pression sur l’utilisation des terres agricoles avait déjà fait débat avec les biocarburants. Il existe aujourd’hui des alternatives étudiées par les scientifiques, comme au laboratoire ABTE, notamment pour la production de PHA, en recourant aux sucres et acides gras issus des déchets agro-alimentaire, des algues ou de la chimie.
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Le programme “Des générations plastiques” est porté par le laboratoire “Aliments, bioprocédés, toxicologie et environnements” et Le Dôme. Il bénéficie du label “Science avec et pour la société” décerné par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Crédits : Polina Tankilevitch (Pexels, Licence CC).
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