5 idées sur notre rapport à la mer révélées par les Normand·e·s

Publié par Le Dôme, le 22 octobre 2025   150

On imagine souvent que les habitant·es d'une région côtière comme la Normandie entretiennent un lien intime avec la mer. Mais est-ce le cas de tout le monde ? La série de rencontres participatives “Voyons Large” a réuni une centaine de personnes : professionnel·les de la mer, scientifiques, citoyen·nes, association pour discuter de l'avenir des activités maritimes et imaginer une cohabitation en mer de la Manche.

Les résultats de ces rencontres ont révélé un rapport à la mer bien plus complexe, et parfois plus distant, qu'on ne pourrait le croire. Cet article présente les 5 grandes idées qui ont émergé des discussions ainsi que les préconisations pour construire un territoire maritime de la Manche durable.

IDÉE 1 : LES TERRIEN·NE·S NE SE SENTENT PAS CONCERNÉ·E·S

Le premier constat est unanime : la majorité des personnes participantes connaît mal les activités qui se déroulent en mer. Les discussions ont mis en lumière un sentiment de déconnexion, où "les terrien·ne·s" ne se sentent pas directement concerné·e·s par les enjeux maritimes, même pour certaines personnes vivant sur le littoral.

Les ateliers ont mis en lumière un fossé entre les usager·e·s de la mer et les habitant·e·s du territoire : “Qui travaille à la mer autour de cette table ? Personne ? Si vous ne travaillez pas à la mer, ça ne vous concerne pas ?”.

Néanmoins, les personnes participantes se sentent concernées par les enjeux environnementaux, comme la crise climatique (“Ce serait la catastrophe si l’ensemble des glaces fondaient.” ), les pollutions ("Ce serait la catastrophe si les quantités de plastiques déversés en mer envahissaient totalement la mer”) et le déclin de la biodiversité (“Ce serait la catastrophe s’il y avait une mortalité des espèces vivantes brutales et irrévocables”). Leurs inquiétudes portent donc sur l’avenir de la mer et non spécifiquement sur les activités qui sont méconnues.

IDÉE 2 : LES SCIENCES AU COEUR DES DÉCISIONS

À de nombreuses reprises, les participant·e·s ont souligné un manque de communication sur les études d’impacts des activités et les suivis environnementaux. La recherche scientifique est perçue comme une clé pour comprendre, appréhender les défis environnementaux et faire évoluer les politiques publics : “Ce serait la catastrophe s’il y avait des connaissances scientifiques acquises mais que les décisions n’étaient pas cohérentes”, explique une participante de la rencontre du Havre.

Mais pour la majorité des personnes présentes, il ne suffit pas de produire de la connaissance. L'enjeu est de s'assurer que cette science soit pleinement intégrée au processus de décision et diffusée auprès de tous les publics. Il ressort comme indispensable de mettre en place des outils de vulgarisation et communication pour informer les publics sur les activités en mer.

IDÉE 3 : UN APPEL À LA SOBRIÉTÉ ET À LA DÉCONSOMMATION

Alors que les débats auraient pu seulement se concentrer sur la décarbonation et les énergies renouvelables, les conversations ont rapidement évolué vers les thématiques des usages, de la "sobriété", de la "décroissance" et de la "déconsommation" : "Il n’y a pas que l’énergie éolienne en mer, on peut développer d’autres alternatives et moins consommer”, commente une participante à Caen.

Les participant·e·s n’ont pas simplement discuté de solutions techniques mais ont parfois appelé à une remise en question de nos modes de consommation et de nos usages des ressources. Un exemple concret a été la réflexion sur la consommation de poisson, avec des propositions comme le rationnement, la diversification vers “ des poissons moins nobles” et la priorité donnée à la qualité sur la quantité. Comme le résume une participante : “On peut manger moins de poissons, mais avoir des produits de qualité”.

Cet appel à une réévaluation plus large de nos besoins a été un thème central des ateliers tant sur l’usage des ressources alimentaires qu’ énergétiques. “Est-ce qu’on ne pourrait pas réévaluer nos consommations énergétiques ?”, demande une participante rouennaise.

Certaines personnes affirment aussi leur envie de faire évoluer les besoins de la société pour adapter les pratiques et les activités maritimes, ce qui permettrait de faire diminuer les demandes et donc les pressions sur l’environnement : “Les dispositifs réglementaires ne conduiraient-ils pas à ne pas chercher d’autres solutions ? On pourrait limiter l’activité dans un objectif de sobriété”, s'interroge ainsi une participante à la rencontre de Rouen.

IDÉE 4 : UN BESOIN DE GOUVERNANCE

Un sentiment d'urgence a clairement émergé autour de la nécessité d'une gouvernance de la mer claire et efficace. Les participant·e·s ont exprimé une déconnexion entre les politiques et la réalité maritime. Le besoin d'un cadre décisionnel fort est perçu comme une condition non négociable pour l'avenir comme l’évoque un participant : “Si on a pas de gouvernance, c’est foutu”.

Plusieurs personnes ont fait ressentir un besoin d’être écoutées et que les sondages auprès des professionnel·les soient réellement pris en compte dans les politiques publics : "Il faut arrêter le consultatif".

Les ateliers ont aussi permis de faire émerger des réflexions sur le type de gouvernance à mettre en place. Doit-elle être locale ou mondiale ? Qui doit décider ? Quelle place accorder aux "terrien·nes" ? Et, de manière plus profonde encore : Quelles voix pour les non-humains ? La mer est-elle encore un commun ?

IDÉE 5 : LE DILEMNE DE LA CASQUETTE, CITOYEN·NE OU EXPERT·E ?

L'une des observations des ateliers est le conflit d’identité exprimé par certaines personnes participantes. Faut-il s'exprimer en tant que professionnel·le ou citoyen·ne ?

La mer a été désignée comme étant “un bien commun”, laissant la parole aux avis et valeurs des personnes en tant qu’individu·e et non professionnel·les : “Au début je parlais avec ma casquette de professionnelle et au fur et à mesure de l’atelier, je l’ai mise de côté et je parlais en tant que citoyenne”.

CRÉONS UN TERRITOIRE DURABLE AVEC "PARLONS MANCHE !"

À travers "Voyons large !", les participant·e·s ont exprimé leurs perceptions des activités maritimes, les enjeux qu’elles soulèvent et les besoins essentiels pour construire un territoire où cohabiteraient professionnel·le·s, habitant·e·s, scientifiques et milieu naturel. Et si l’on passait à l’action ?

Le projet "Parlons Manche !" vise à renouveler la manière dont on parle, pense, décide et agit pour la mer.

Créons ensemble un espace collectif d’échange et de réflexion pour aborder les enjeux maritimes de la façade Manche Est-Mer du Nord : après "Voyons large !", "Parlons Manche !". Ce projet vise à renouveler la manière dont on parle, pense, décide et agit pour la mer en impliquant les scientifiques, administrations, professionnel·le·s, associations, scolaires et habitant·e·s du territoire dans la co-création du territoire maritime de la mer de la Manche.

Crédits : Le Dôme/F. Boissel (DR).


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