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Retour sur… Je donne ma langue à…

Publié par Le Dôme, le 2 mai 2022   760

Lucie Barette, chercheuse au laboratoire “Lettres, Arts du spectacle, Langues romanes” (LASLAR) de l'Université de Caen Normandie, spécialiste de l'histoire du genre dans la langue française et autrice était l’invitée des rencontres Grand·e témoin du Dôme. L'entrée récente du pronom neutre "iels" et de ses déclinaisons dans "Le Robert" suscite la polémique et pose une question : à qui appartient la langue française ?


"L'égalité femme-homme, grande cause du quinquennat" mais "le masculin l'emporte sur le féminin"; "iel", symptôme d'une langue française en "péril mortel"... La langue française n'avait pas connu de débat aussi virulent depuis longtemps. La longue histoire de notre langue montre qu'elle n'a pas toujours laissé la part belle aux hommes, c'est seulement à la naissance de l'Académie Française, au XVIIe siècle, alors qu'on parlait le français depuis près de 1 000 ans, que des hommes ont décidé de leur supériorité dans la société et donc dans la langue.
Aujourd'hui, alors qu'on cherche à construire une société plus égalitaire, la langue est un véritable terrain de bataille. Doit-elle évoluer et refléter l'égalité sociale voulue ? En être un outil ? Doit-elle être plus inclusive ? Doit-on revaloriser les règles existantes d'une langue française qui n'avait pas encore acté la domination des hommes sur les femmes ou en créer de nouvelles ?
Voici les bases qui sont posées avant de passer à la partie atelier. Lucie Barette, chercheuse au laboratoire “Lettres, Arts du spectacle, Langues romanes” (LASLAR) de l'Université de Caen Normandie, avait déjà participé à un atelier de réflexion sur la fabrication d’insultes inclusives pendant le Turfu Festival en octobre 2021, la voici à nouveau au Dôme, en mars 2022 avec cette fois, ci un exercice réflexif proposé à des jeunes. 


DEUX CLASSES DE LYCÉE ONT FAIT ÉVOLUÉ LA LANGUE FRANÇAISE
Des élèves du Lycée Dumézil de Vernon (Eure, 27) étaient prêt·e·s à relever ce défi créatif. Un questionnaire a été donné en amont pour les impliquer, il les interrogeait sur des règles d’accords, leurs origines et leurs métiers futurs. Après avoir écouté la chercheuse, notamment pour avoir de la matière sur laquelle réfléchir, les élèves ont participé à 3 ateliers : 

  • "Le garçon et les fleurs sont belles."

La consigne du premier atelier était de transformer l’Académie et les règles appliquées sur la langue française. Les élèves ont suggéré l’accord de majorité, c'est à dire accorder à partir du groupe majoritaire (par exemple : le garçon et les fleurs sont belle). Les élèves ont encore discuté de la majuscule au mot "Homme" pour définir un générique, alors le mot "Femme" doit présenter une majuscule aussi. Tout le monde s'est accorder à dire que plus de mots neutres devraient être créés. Concernant l’Académie française, les propositions des élèves vont le sens de la parité de l'assemblée, élue ou tirée au sort pour un mandat de 5 ans, parmis des candidat·es aux profils plus variés. Il s'agirait encore, selon les lycéen·es qu'il y ait plus de spécialistes de la langue française composant l'Académie et réfléchissant à l'avenir de la langue française. Selon elles et eux, les Académicien·nes nouvelle formule, devront être plus à l'écoute de la langue qui se parle plutôt que de juger l'oralité des discours comme illégitime.

  • Pourquoi ne pas remplacer "lycéen·ne" par lycénnaire, un mot non genré ?!

Dans le second atelier, la consigne portait sur la création de noms de métiers non genrés et la modification des métiers existants. Plusieurs façons de transformer les métiers existants sont présentées selon les règles existantes ou selon la créativité des groupes  : proviseuse / provisu - provisix / proviseur, rectrice, docteuse / docteure/ docteuresse, médecine, recteurice, influenceureuse, youtubeuse ou coache. La plupart de temps il s’agirait d’ajouter un « e ». Puis les élèves changent des mots pour lycénnaire, pompère, autaire, froeurs, joallix (au pluriel); pompiu (singulier) et imaginent une nouvelle fin comme ajouter  « ult » ou « iel » on retrouve donc youtubult / influençult, pompiel et médeciel

  • Inventer une touche spéciale pour faire un point médian.

Enfin, dans le dernier atelier, la réflexion se portait sur l'évolution des outils technologiques afin d'améliorer leur inclusivité. Les élèves ont proposé un clavier qui permet d’accéder facilement à des glyphes non binaires (forme graphique de mots fusionnés, comme iel avec les lettres "i" et "e" collés, à l'image de "œ") , à des emoji neutres, à une touche spéciale pour le point médian associée à des propositions de mots (à la rédaction du mot joueur, son féminin ou le "·euse" seraient immédiatement suggérés par le correcteur) . Il faudrait demander aux ingénieur·es de créer ces outils.D’autres idées seraient de faire évoluer le vocal (manque des mots au féminin), d’activer/désactiver rassembler féminin/masculin. Enfin parmi les réflexions, les élèves évoquent l’importance de la neutralité des sites/pub et d’autres se demandent si parler anglais ne résoudrait pas une partie du problème, car le genre dans la construction des phrases n’existe pas.


Cette rencontre a été organisée par Le Dôme et le Rectorat de la région académique de Normandie, avec le soutien de la Région Normandie, dans le cadre des rencontres Grand témoin qui offrent l’occasion pour les élèves d’avoir l’éclairage d’un·e professionnel·le sur un thème travaillé en classe ou pour réaliser une ouverture culturelle sur un domaine précis.

Crédits : Le Dôme/ (2022).

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