Les activités menées en mer, un sujet d'étude très riche et complexe
Publié par Le Dôme, le 14 octobre 2025 160
Louis Lebredonchel, ingénieur de recherche au Centre "Risques et vulnérabilités" (CERREV) de l’université de Caen Normandie, a mis son expertise en sociologie appliquée au service d’une étude majeure sur la cohabitation des activités humaines en mer.
Commandée par le le groupement d’intérêt scientifique “Effets cumulés en mer” (ECUME) dans le cadre du projet "Apports des sciences sociales et participatives dans la compréhension des activités maritimes et leurs impacts cumulés" (SAMIC), cette recherche s’est concentrée sur les relations entre acteurs et actrices des activités maritimes (pêche, énergie en mer, extraction de granulats, activités portuaires) sur la façade Manche Est–Mer du Nord. Son objectif : comprendre les interactions entre professionnel·le·s, élu·e·s, associations, citoyen·ne·s et décisionnaires, en identifiant controverses et tensions. 52 acteurs et actrices ont été interrogés lors d’entretiens semi-directifs, couvrant un large éventail de profils.
Dans cet entretien, Louis Lebredonchel souligne la plus-value de cette étude pour améliorer la gestion et la planification maritimes. Il aborde aussi la notion d’acceptabilité sociale, jugée controversée, et rappelle le rôle essentiel de la sociologie dans la résolution de problèmes humains complexes.
Bonjour Louis. Pour débuter, peux-tu nous expliquer ce qu'est l'acceptabilité sociale et comment elle est mesurée ?
L'acceptabilité sociale est une expression plutôt controversée et dont la légitimité de l'usage est même souvent contestée par plusieurs chercheur·se·s. Pour aller au plus simple, nous pouvons dire que c'est à la fois comment les citoyen·ne·s (dont les riverain·ne·s, les associations et les professionnel·le·s) acceptent, ou non, un projet qui s'implante dans une zone spécifique et qui est susceptible d'exercer des contraintes (comme une réduction de l'espace alloué à d'autres activités, ou encore certaines nuisances), ainsi que comment les porteur·se·s de projets tentent d'améliorer, et parfois de construire cette acceptation.
Nous pouvons nous rendre compte de l'acceptabilité en s'intéressant aux contestations menées par des associations, aux messages véhiculés par des professionnel·le·s, ou encore aux dispositifs mis en place par les porteur·se·s d'un projet. Dans le cas de notre étude, nous avons mené des entretiens avec ces trois types d'acteurs.
Quels sont les objectifs de l’étude sociologique ?
Cette étude a été commandée par le GIS ECUME, comme faisant partie du projet SAMIC. Ses objectifs sont de mieux comprendre les interactions et les relations entre les activités humaines menées en mer au sein de la façade Manche Est-Mer du Nord, mais aussi entre ces dernières et les décisionnaires et responsables, les élu·e·s, les associations locales et plus généralement les citoyen·ne·s français·e·s.
Nous nous sommes principalement intéressés aux controverses et à ce qui peut être à l'origine de tensions ou de conflits entre les différents acteurs et actrices. Un autre objectif de l'étude était de réfléchir à des pistes qui pourraient à terme permettre de réduire les tensions constatées, voire d'améliorer certaines de ces relations. Secondairement, l'étude a également servi à développer des connaissances sur d'autres points, comme l'état et l'avancée de la science, ou encore à propos de comment améliorer la communication des activités auprès du grand public.
Pourquoi la sociologie est-elle importante aujourd’hui ? Quels sont les impacts ?
C'est une question un peu difficile, à laquelle je pourrais répondre par une prise de parole de plusieurs heures. Disons qu'il existe de nombreuses conceptions de ce qu'est la sociologie, et ainsi des usages très différents les uns des autres. Pour ma part, j'essaye d'utiliser la sociologie en tant que science la plus neutre et rigoureuse possible, permettant d'aider à résoudre des problèmes humains divers, parfois complexes, et à penser des pistes et des conseils applicables et réalistes afin de mieux les gérer.
Une étude pour comprendre les enjeux de cohabitation des activités humaines menées en mer et les tensions qui en émergent. Est-ce qu’il y a des spécificités chez les acteurs et actrices interrogé·e·s ? Est-ce que ton regard de chercheur change sur la thématique après cette étude ? Comment ton regard évolue-t-il ?
Pour être honnête, ce n'est pas un sujet avec lequel j'étais familier avant de mener cette étude, j'ai surtout apporté mon savoir-faire en techniques d'enquête et en sociologie appliquée. Ce qui m'a particulièrement intéressé à été de pouvoir mettre en lumière les différentes perceptions des acteurs interrogés à propos de sujets spécifiques, qui peuvent parfois complètement différer (par exemple entre représentants de la pêche et porteurs de projets éoliens en mer), bien qu'il existe également des points d'accord. Les activités menées en mer représentent un sujet d'étude très riche et complexe, pour lequel je suis heureux d'avoir pu apporter ma contribution. Je remercie le GIS ECUME pour cette opportunité.
Quelle est la plus-value de cette étude ?
Elle permet d'identifier l'ensemble des points de controverses, de tensions et de conflits entre les parties prenantes des activités menées en mer. Leur compréhension est ainsi susceptible d'aider à repenser ou à améliorer des modes de gestion ou de planification, pour de meilleures relations entre les acteurs.
L'étude participe également à mieux comprendre d'autres points importants pour les activités en mer et pour la recherche : comment mieux communiquer auprès du grand public ? Ou encore quels sont les sujets à prioriser pour une science en adéquation avec les besoins actuels ?
Est-ce que l’étude sociologique du projet SAMIC a des spécificités par rapport à d’autres études sociologiques menées auparavant ?
Oui, l'originalité de cette étude est de s'être intéressée aux relations et aux interactions entre les parties prenantes des activités humaines menées en mer (dont les principales sont la pêche, l'énergie en mer, l'extraction de granulats marins, les activités portuaires).
52 acteurs ont été interrogés au cours d'entretiens semi-directifs, comprenant des professionnels de chaque activité, des responsables administratifs (élus et gestionnaires), des membres d'associations, ainsi que des scientifiques. Ils ont été sélectionnés afin de couvrir l'ensemble de la façade Manche Est mer du Nord et des activités, ainsi que des types de prises de position.
À ma connaissance, les études précédemment réalisées se sont surtout intéressées à des sujets spécifiques (principalement à la pêche et aux éoliens en mer), l'apport du projet SAMIC a ainsi été d'étendre sa population et ses enjeux, en communiquant avec une grande variété d'acteurs. Ceci a été possible grâce au GIS ECUME, dont l'originalité est également de connecter de nombreux individus concernés par les activités en mer.
Crédits : Louis Lebredonchel (DR).
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