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Le Dôme

Anatomie d'un Open badge

Publié par François Millet, le 21 décembre 2017   6k

Premier article visant à documenter et faire restitution de l'expérimentation “Open Badges” lancée au Dôme à l’occasion du Turfu Festival en octobre 2017.

Le Turfu Festival, organisé à l’occasion de la Fête de la Science 2017, a été la première occasion pour le Dôme de produire et diffuser des “Badges Numériques Ouverts” - ou “Open Badges” - dont l'intérêt a déjà été présenté dans un précédent article. Ces “Open badges” connaissent un réel essor dans le monde. Ils débarquent en France par la Normandie, principalement sous le dynamisme du collectif "Badgeons la Normandie" et des équipes du Centre d'enseignement multimédia universitaire (CEMU) de l’Université de Caen Normandie.

UN OPEN BADGE, C'EST QUOI ?

Un “Open badge”, est une image numérique dans laquelle sont enregistrées un certain nombre de métadonnées. Ils sont aujourd’hui utilisés pour reconnaître les compétences et les apprentissages informels. Ainsi, pour reconnaître la compétence d'une personne, on inscrit dans l'image l'identité de l'émetteur, du récepteur, la description de la compétence reconnue par le badge et les preuves qui l'attestent. Le même mécanisme peut être utilisé pour reconnaître les réalisations, engagements, projets ou valeurs d'une personne comme d'un groupe.

RETOUR VERS LE TURFU

Il faut avant tout envisager l’expérimentation réalisée dans le cadre du Turfu Festival comme une occasion pour nos équipes de se familiariser avec le concept, les procédures de création et de diffusion. Le Turfu Festival était également une bonne occasion d’acculturer massivement nos partenaires et nos publics. Cet exercice avait surtout pour objectif de vérifier la capacité et la robustesse pressenties des badges à traduire et reconnaître un certain nombre d’attendus culturels du Dôme : l’implication des publics et le degré de cet engagement, la nature des apprentissages informels dispensés, notre capacité à esquisser des communautés d'intérêts, … Autant d’éléments susceptibles de témoigner de la qualité et de l’impact de nos activités, mais aussi de leurs faiblesses.

L'article suivant présente la logique à l’oeuvre lors de la création des badges diffusés lors du Turfu Festival et qui s’incarne dans le design graphique réalisé par l'agence Casus Belli.

#1 - CATÉGORIES DE BADGES

31 badges ont été créés pour le Turfu Festival. Ils ont été diffusés aux visiteurs d’un showroom de deux jours le week-end, mais surtout au terme des 12 ateliers organisés pendant la semaine. Les thèmes de ces ateliers, et donc des badges, étaient aussi variés que l’intelligence artificielle, la mobilité, l’habitat collectif, le handicap, …

Afin de traduire cette diversité, nous avons donc créé 4 catégories :

  • Badges "Expérience" qui témoignent d’une participation, d’un engagement, de la présence de la personne bénéficiaire lors d’une manifestation.
  • Badges "Savoir" qui font référence à une acquisition “traditionnelle” de connaissances.
  • Badges "Savoir Faire" qui reconnaissent la capacité des personnes bénéficiaires à mettre en oeuvre une technique, se servir d’un outil, d’appliquer une méthode,...
  • "Badges Savoir Être" qui témoignent le plus de compétences dites “douces” - soft skills - plus difficilement incarnées et valorisées.

Ces 4 catégories disposent de leur propre design. La différence d’une catégorie à l’autre s’exprime par une modification de la partie centrale et des ornements de chaque côté. Pour une même catégorie, la forme reste la même et l’illustration centrale change en fonction de la thématique et du contenu. Enfin, le code couleur des badges est celui du Turfu Festival, mais peut changer en fonction de l’évènement ou du cadre dans lequel il est diffusé.

Initialement, le graphisme a exploré des voies beaucoup plus créatives et diversifiées, tout en maintenant cette double identité “partie centrale”/“ornement”. Finalement nous avons choisi un design assez sobre, aux différences graphiques peu marquées d’une catégorie de badges à l’autre, notamment pour ne pas rajouter à la complexité de création et de représentation vis à vis des publics.

Un choix qui devrait vraisemblablement évoluer pour les prochaines expérimentations. Par ailleurs, la catégorie "Formation" viendra également complétée ces 4 catégories existantes car les degrés de participation et échelons existants semblent mal adapté pour ce format d'activité.

#2 - DEGRÉS DE PARTICIPATION

Les badges de catégorie “Expérience” attestent d’une participation à un événement, une manifestation. Ils sont assimilables à un certificat, une attestation de présence “améliorée” mais ne témoignent en rien de ce qu'une personne peut ou sait faire. Ces badges sont donc à considérer de valeur plus “faible” que les autres catégories de badges puisqu’ils ne témoignent pas directement de capacités ou de compétences. 

Néanmoins, un badge “Expérience” peut constituer un outil d’identification et d’appartenance à un groupe. Il participe également à décrire une étape, un cheminement individuel pour une personne qui le revendique. Ces badges sont donc dotés de degrés de participation que peuvent adopter nos publics dans un projet au Dôme. 

En effet, une des vocations du Dôme est de créer les conditions permettant à la population de se saisir progressivement d’enjeux de sciences et de société, de s’engager dans des projets de recherche participative et d’innovation ouverte. Ces degrés de participation que nous avons définis au Dôme sont :

  • Découverte d’un sujet d’une technologie.
  • Test d’un dispositif, d’un concept, d’une technologie.
  • Contribution à un dispositif, un concept, une technologie que ce soit à titre consultatif, en donnant son avis, ses idées.
  • Co-construction d'un objet, d'un usage, d'un service, d'un projet, témoignant d’un échange, d’une concertation, d’un dialogue et d’un contrat tacite entre les parties prenantes d’un projet.
  • Co-gouvernance, c’est à dire la participation à la définition, l’évaluation et l’orientation des projets auxquels l’on participe.

Dès lors, il devient également possible, au fil du temps et de la production de badges “Expérience”, de suivre le parcours de nos publics - anonymes - et d’évaluer la capacité du Dôme à mettre en mouvement le territoire apprenant dans lequel il s'inscrit. Il devrait permettre de mesurer notre capacité à impliquer une population, de la rendre progressivement active dans l’évolution de projets relevant d’enjeux de sciences et de société.

#3 - ECHELLES DE COMPÉTENCES

Les badges de catégorie “Savoir”, “Savoir-être” et “Savoir-faire” reprennent ce même principe d'échelons, ici de compétences. Ce sont également les ornements en forme d’ailes sur les côtés qui témoignent graphiquement de ces échelons de compétences.

Sachant que l’organisation du Turfu Festival ne permettait pas de mettre en oeuvre une démarche d’attestation et de validation de preuve élaborée, la majorité des badges restent aux échelons "Découverte" ou "Test".

Les trois autres échelons ont été pensés en anticipation de ce que le badge permettrait de faire, en écho avec l’utilisation des machines d’un FabLab par exemple, où un échelon “Initié·e” témoignerait de la possibilité de se saisir de machine, “Amateur·e” de les utiliser en autonomie ou d’accompagner des “Initié·e”, et “Expert·e” de pouvoir accompagner ou former des néophytes.

D’autres applications sont à construire pour donner du sens à cette graduation. Reste que ces échelons peuvent également être un outil d’évaluation, un indicateur permettant de traduire la capacité du Dôme à produire et à diffuser de la connaissance auprès de ses publics, d’être un vecteur d’apprentissages informels.

#4 - PHASES DU PROJET

Les projets qui passent par Le Dôme suivent une évolution classique de conception, prototypage, développement et déploiement. Si elles sont prévues pour s’enchainer, il peut bien sûr y avoir quelques aller-retours entre ces différentes étapes. Nous avons donc doté la majorité des badges de catégories “Expérience”. Cette “maturité” du projet n’apporte pas spécifiquement de valeur au badge en tant que tel. Il est davantage un repère indiquant à quelle phase d’un projet les personnes bénéficiaires ont été associées et ont pu prendre part. Il demeure un outil, une information supplémentaire pour nous permettre de visualiser les différentes postures de nos publics. À ce titre, il est un rappel vis-à-vis de nos publics de la proposition de participation qui leur est faite.

A posteriori, nous aurions pu enrichir certains ateliers de badges “Expérience” de “phase” développement ou déploiement. Reste que cette information ne porte pas aujourd’hui d’usages ou de bénéfices pour la personne détentrice du badge. Elle constitue avant tout un test pour déterminer si le support badge couvre bien tout le spectre du potentiel de suivi et d’évaluation des badges.

#5 - CONTENUS DU BADGE

Chacune des informations décrites précédemment a été intégrée dans le contenu du badge de façon redondante : dans le texte de description et le titre du badge en redondance avec la traduction visuelle et les mots-clés associés à chaque badge. Cet exercice nous a permis de tester la robustesse du système qui semble aujourd’hui concluant, du moins pour la logique de création.

Par ailleurs, nous avons attaché un soin particulier à adopter un langage épicène de façon à ce que les badges ne soient pas genrés. Ainsi, dans le contenu du badge, on ne parle pas “du bénéficiaire” d’un badge, mais de “la personne bénéficiaire”. 

L’écriture inclusive a été adoptée pour le nom et la description synthétique des badges, avant tout pour des questions d’espace d’écriture disponible et de lisibilité rapide et synthétique.

POUR CONCLURE...

Aujourd’hui cette méthodologie de production de badge, si elle demande à être testée lors d’autres manifestations, a montré en partie sa robustesse. Elle devra être raffinée pour être plus évocatrice dès le nom du badge, ou au contraire, volontairement éloignée (à l’image du badge de Maître cartographe), ou plus humoristique le cas échéant. 

La méthode devra surtout être enrichie pour que les badges soient moins associés à une attestation ou une certification et donnent davantage à voir les capacités de la personne qui en bénéficie. Aujourd'hui, le projet parcours Digital au bénéfice de l'insertion professionnelle se ressaisi de cette expérimentation. Une autre expérimentation devrait voir le jour autour des formations dispensé au Doctorants.

Reste maintenant à évoquer comment ces badges ont été diffusés et quels premiers enseignements on peut tirer de cette expérimentation. Ce sont sont les sujets de deux prochains articles. 


Le programme "Open badges, formation et orientation" est co-financé par l'Union européenne et la Région Normandie dans le cadre du Fonds européen de développement régional (FEDER). Suivez toute l'actualité du programme en consultant notre dossier spécial "Badges ouverts".


Graphisme des badges : Casus Belli/M. Lesolliec.