FarmBot Normandie : R&D sur fond de changement climatique

Publié par Stéphane Dévé, le 17 décembre 2020   1.4k

Partie 1. Le projet, le montage et l'installation.

photo : les apprentis du Pôle formation UIMM Grand Ouest - ph : St Dévé / Cran


Avec un parcours tracé tel un sillon dans un champs, il était pratiquement improbable que ces filières se rencontrent à ce moment précis de leur parcours. Le FarmBot a eut raison de leur éloignement géographique et de leurs champs pédagogiques distants.


Prairies sèches

Dans le projet pédagogique porté par la Chambre régionale d’agriculture de Normandie et le Dôme à Caen, l’idée est non seulement de permettre à des établissements de s’équiper d’un robot potager pour s’aventurer dans la programmation, l’informatique ou encore l’agriculture de précision mais le but est aussi, de croiser des filières, de créer des interactions entre des apprenants venus d’horizons variés et surtout, d’établissements différents dans la mesure du possible.

Il n’aura échappé  à personne que notre « maison brûle ». Ses sols et ses plantes souffrent au fil des saisons. Ce changement climatique - malgré la clémence du climat normand -  est déploré années après années au vu de l’assèchement de certains cours d’eau, d’une faiblesse ou au contraire, d’un accroissement de la pluviométrie transformant certaines surfaces agricoles, tantôt en champs de mine, tantôt en prairie sèche.

Fort de ce constat, les pilotes du projet FarmBot Normandie ont donc proposé à trois entités de se réunir pour mener à bien une expérimentation sur des parcelles de prairies placées en conditions de stress hydrique et de sécheresse extrême.


La Rencontre de 3 types d’établissements

Ont donc été invités autour de ce projet, le Pôle formation UIMM Grand-Ouest à Caen, l’institut polytechnique Unilasalle à Rouen et la ferme expérimentale La Blanche Maison dans la Manche.

Le Pôle formation UIMM prépare aux métiers industriels de la métallurgie, de la chaudronnerie, de la maintenance industrielle et robotique.

La vocation de Unilasalle est de former des ingénieurs, des chercheurs à étudier et comprendre les systèmes naturels et innover pour les filières et les territoires.

La Blanche Maison quant à elle, est une ferme, un outil expérimental qui permet de tester et créer des innovations pour les systèmes d’élevage et ainsi, de prendre les risques mesurés à la place des agriculteurs en testant des innovations avant leur déploiement dans les élevages.


Donner du sens

Relier ces trois entités sur un projet autour du FarmBot pouvait s’avérer être une utopie, et pourtant, chacune à sa mesure, a pris l’importance des interactions à créer, l’importance de participer à un projet pédagogique collectif avec comme objectif final, une expérimentation scientifique.

Intégré depuis ses débuts  au projet FarmBot Normandie, le Pôle formation UIMM et sa représentante Madame Hubert-Benzik ont cinq assemblages de robot potager à leur actif « le FarmBot est d’un réel intérêt pour nos élèves car il mixe différentes spécialités et permet des interactions entre nos filières et nous permet de découvrir d’autres univers ».

Ce jour-là,  sont effectivement regroupés une dizaine d’apprentis venant des filières «  maintenance et équipements industriels », «  chaudronnerie », « usinage »… Stéphane Dévé, de la Chambre d’agriculture présente le projet global réalisé avec la communauté FarmBot en Normandie, puis, explique le projet d’expérimentation dans lequel va s’inscrire ce groupe de travail avec la Blanche Maison et Unilasalle « votre mission, si vous l’acceptez, est d’assembler ce robot potager, de réfléchir et de concevoir sa structure d’accueil, de travailler en petits groupes, en mode projet (…) de l’installer sur site à la Blanche Maison (…)  le rendre opérationnel afin que les étudiants chercheurs de Unilasalle puissent mener à bien des études avec les expérimentateurs de la Blanche Maison».

Le sens est donné, l’objectif est posé. Il est réalisable et quantifiable. Sept séances d’assemblage sont programmées, un rétro-calendrier est réalisé, un pilote de projet est désigné par ses camarades.

Les ateliers se succèdent, les groupes se complètent au fil des travaux, s’échangent des idées, partagent des connaissances. Le robot potager sera placé sous une serre, à même le sol. La solution de concevoir des poteaux en béton est donc privilégiée. Et voilà certains de nos apprentis à couler du béton dans des tubes en pvc. La truelle rompt. Qu’à cela ne tienne, ils sont déjà partis dans l’atelier de chaudronnerie pour souder les deux pièces et revenir de plus belle. Rien ne les arrête.

Le mode d’assemblage est en anglais. Le chef de projet est appelé en renfort pour traduire certains mots qui seront assimilés à force de répétition « gantry », « nuts bar », « soil-sensor »…

Nos apprentis fraiseurs se proposent de réaliser des pièces en complément pour assurer une meilleure rigidité à l’ouvrage. Ni une ni deux, derrière un ordinateur, les voilà qui réalisent des plans 2D qui leur serviront pour programmer la machine à commande numérique.

Chacun y va de sa contribution. Le boîtier électronique est pris en main par les électroniciens venus en renfort et qui prennent sous leur aile, un apprenti chaudronnier pour lui expliquer deux trois « trucs ».

« Il n’y a pas d’erreur, il n’y a que des essais » précise Carla Delépée de la Chambre d’agriculture lors d’un atelier.

Le mode d’emploi est parfois succinctement suivi, mais l’étape d’après révèle rapidement à ces apprentis qu’il doit être suivi scrupuleusement.

Lire, relire, comprendre. Monter, démonter, remonter. Ce n’est pas du temps perdu, c’est juste un apprentissage et du temps gagné pour plus tard.

Ultime séance d’atelier : le robot est une dernière fois assemblé à blanc. Les repères sont pris, le remontage sera un jeu d’enfant. L’heure est venue de le démonter pour son transport afin de l’installer le lendemain sur site, à la Blanche Maison.


Jour-J : Si les conditions de travail étaient idéales en atelier, sur site, il en est autrement. La découverte d’un chantier réserve parfois des surprises. Si l’objectif de l’expérimentation est de travailler sur des prairies sèches, la pluie tombée en continue durant plusieurs jours a transformé le site en labour. Nos apprentis sont les premiers à en sourire et ce n’est pas ce qui va arrêter cette équipe de montage. Après une présentation de La Blanche Maison et du projet expérimental par Lucie Morin sa directrice, il est temps d’enfiler les cotes de travail et de procéder au calibrage du terrain. Deux équipes se sont formées, la première pour creuser et positionner les plots d’accueil, la seconde pour assembler la structure du robot.

Dans le projet final, le robot est placé sous une serre. Mais il y a un hic : suite à un retard de livraison, la serre n’est pas encore installée. Confrontés aux aléas des chantiers, nos apprentis ne se laissent pas démotiver et continuent leurs tâches parfois sous quelques gouttes d’eau.

La partie électronique n’ayant pu être réalisée à couvert, les connections et la mise en fonctionnement du robot feront l’objet d’un nouvel atelier mené plus tard avec Emmanuel Gilloz, Fabmanager du Dôme qui viendra superviser les opérations.

Au cours de cette ultime séance, les apprentis pourront « jouer » avec « leur » robot et contrôler toutes ses fonctions : arrosage, mouvement, plantation, éclairage, désherbage…


Webinaire

Il avait été convenu en amont de diviser le groupe. Quatre apprentis se chargeraient du montage sur site quand les autres resteraient au Centre Ressources du Pôle formation pour travailler sur la « documentation » et préparer la rédaction du compte rendu de leurs travaux sous forme de livrable pédagogique mis à disposition de la communauté FarmBot Normandie.

Pour permettre un bon suivi des actions de cette journée, il avait été entendu de se retrouver autour d’une  confcall permettant à Lucie Morin de présenter plus en détail cette expérimentation et les objectifs de la ferme expérimentale qu’elle dirige avec ses deux expérimentateurs, Jessy et Flore.

Les apprentis au terme de ces échanges ont compris tout le sens et l’importance de leur participation à cette expérimentation.

D’autres rendez-vous à la Blanche Maison leur permettront de suivre l’expérimentation et de venir à la rencontre des étudiants chercheurs d’Unilasalle. Ces rencontres auront pour but de favoriser les échanges, de permettre à chacun de découvrir d’autres filières, de sortir de sa zone de confort pour aller à la rencontre de métiers, de spécialités, des gens, tout simplement.


« Je n’aurais jamais imaginé que des apprentis en chaudronnerie, en usinage viennent un jour dans notre ferme expérimentale ». Cette phrase de Lucie Morin résume à elle seule l’enjeu du projet pédagogique porté en Normandie autour de ce robot potager FarmBot.


Remerciements à Axel, Dorian, Lenny, Marius, Melvyn, Robin, Valentin, Valérian, Yonni ...


A suivre