"Tout reste à faire !"
Publié par Guillaume Dupuy, le 13 mai 2025 200
Finaliste de l’édition 2025 de “Ma thèse en 180 secondes” en Normandie, Laurie Dienis a reçu le Prix du public. Une reconnaissance inattendue pour la jeune astrophysicienne originaire de Cherbourg-en-Cotentin.
Énergique et lumineuse. Ce sont les adjectifs qui nous viennent en tête lorsque l’on croise le chemin de Laurie Dienis. Deux qualités que la jeune chercheuse en astrophysique nucléaire de 24 ans a su mettre à profit lors de son passage sur la scène de l’Institut national des sciences appliquées (INSA Rouen Normandie) et qui lui ont permis de remporter les voix du public venu assister à la finale régionale de “Ma thèse en 180 secondes” le 13 mars 2025.
Bonjour Laurie et bravo pour ce Prix du public “Ma thèse en 180 secondes” 2025 !
Merci. Je suis super contente… et très étonnée ! Sur le moment, je dois avouer que j’ai eu un bug. On avait fait nos pronostics et, pour moi, je ne devais pas être la gagnante mais le public m’a choisie et j’en suis très honorée. J’en suis d’autant plus surprise qu’il y avait beaucoup de lycéens et de lycéennes dans la salle et que mon sujet de thèse est très éloigné de leur quotidien. Après tout, je parle de petites choses invisibles et de grandes choses dont seule la lumière est perceptible dans le ciel. Je me dis que c’est peut-être le côté “étoile” qui m’a permis de les toucher.
Le côté “étoile”, tu veux dire que tu as brillé sur scène ?
Non. Quoique, pour la petite histoire, j’ai tout de même deux jeunes filles qui m’ont demandé de faire un selfie avec elles : je suis devenue une star ! [rires, ndlr]. Plus sérieusement, mon travail de recherche porte sur la formation des noyaux d’atomes dans les étoiles et plus spécifiquement de la production du Fluor 18 dans les novae.
Les novae ? Il faut nous expliquer…
Les noyaux des atomes se forment lors de différents évènements astronomiques particuliers. Le plus célèbre est le Big Bang mais il en existe d’autres comme les novae qui se produisent lorsque deux étoiles proches échangent rapidement une grande quantité de matière. Ce transfert provoque une explosion à la surface de l’une des étoiles et la libération d’une grande quantité d’énergie qui va permettre la formation de nouveaux noyaux. Mon travail au Grand accélérateur national d’ions lourds (GANIL) consiste à recréer les réactions qui se produisent lors de ces évènements pour comprendre ce qu’il s’est passé.
Si je comprends bien, de nombreux noyaux sont formés lors de cette explosion mais tu t’intéresses spécifiquement au Fluor 18. Pourquoi ?
Une nouvelle génération de télescopes capables de capter la lumière émise lors des novae va prochainement être lancée. Or, le Fluor 18 a une spécificité : c’est le seul élément produit au cours d’une novae qui “vit” assez longtemps pour s’échapper de l’étoile et émettre de la lumière. L’idée est donc de développer un modèle qui va permettre d’analyser les données que l’on sera prochainement en mesure d’acquérir pour mieux comprendre cet objet. C’est ça la physique fondamentale : la beauté de comprendre.
Cette envie de comprendre, c’est ce qui t’a poussé vers l’astrophysique nucléaire ?
Ça, c’est une question compliquée ! J’ai toujours été extrêmement curieuse. Je me rappelle avoir voulu très tôt comprendre comment mon corps fonctionnait. Plus tard, je me suis passionnée d’histoire, je voulais savoir tout ce qu’il s’était passé.
Mon déclic pour la physique, je l’ai eu en 4ème lors d’un cours sur l’atome. Découvrir que cet élément était la brique fondamentale de l’Univers, la base de tout, ça a tout de suite attisé ma curiosité. Je me suis dit que si je parvenais à comprendre la physique, je pourrais tout comprendre alors je me suis mise à lire de plus en plus de livres, à regarder des conférences jusqu’à décider d’en faire mes études.
L’idée de devenir chercheuse est arrivée plus tard, au lycée. Mon professeur de physique, M. Sylvain Cloos, avait engagé notre classe dans un parcours culturel scientifique [dispositif d’accompagnement pédagogique mené par Le Dôme, ndlr] qui nous a permis de visiter et de rencontrer les équipes du GANIL et du Laboratoire de physique corpusculaire (LPC). Cette journée m’a profondément marquée. En revenant à Cherbourg-en-Cotentin, je me suis dit : C’est ça que je veux faire !
C’est cette expérience au lycée qui t’a donné, à ton tour, envie de parler de tes recherches avec le public ?
J’ai eu cette chance de rencontrer des personnes passionnées par la physique tout au long de mon parcours. Il y a eu mes professeurs au Lycée Thomas Hélye mais aussi mon directeur de thèse, François de Oliveira, et mon encadrante, Chloé Fougères [Lauréate du 2nd Prix du Jury “Ma thèse en 180 secondes” en 2021, ndlr].
Au-delà des enseignements théoriques, elles m’ont parlé de l’espace, de l’actualité de la recherche, des nouvelles découvertes. Elles m’ont montré que, même si la recherche en physique a une longue histoire et que l’on peut parfois avoir l’impression qu’il ne reste plus grand chose à découvrir, c’est tout le contraire. C’est ce que je trouve passionnant dans notre travail et c’est le message que je veux faire passer : tout reste à faire !
Quelques jours se sont écoulés depuis la finale régionale de “Ma thèse en 180 secondes”. Avec le recul, que retiens-tu de cette expérience ?
Il y a d’abord toute la phase de préparation avec les coachs. C’est cool de pouvoir être conseillée sur notre discours ou sur la façon dont gère notre corps sur scène. Personnellement, c’est une chose à laquelle je n’avais jamais réfléchi mais la semaine dernière, lorsque j’ai donné une conférence, j’y ai fait bien plus attention !
Il y a aussi l’aspect humain, la rencontre avec les autres candidats et candidates. Au quotidien, nous passons beaucoup de temps avec des chercheurs et chercheuses de notre discipline. Participer à “Ma thèse en 180 secondes”, c’est l’occasion de rencontrer des personnes qui mènent des recherches sur le cerveau, les bâtiments, la politique et même les crevettes ! C’est tellement différent de ce que je fais alors que nous sommes tous et toutes en thèse !
Et la finale, quel souvenir en gardes-tu ?
Un moment hors du temps. En arrivant sur scène, je me suis sentie très impressionnée par le public, tous ces yeux qui te regardent, et puis l’automatisme a pris le dessus. On s’est tellement préparé. Je connaissais mon texte par coeur, mes déplacements aussi. C’est là qu’on réalise tout le chemin que l’on a parcouru !
Est-ce que ce Prix du public t’a donné envie d’aller plus loin ?
J’adore la vulgarisation, c’est une partie de mon travail de chercheuse sur laquelle je m’éclate à fond. Cette récompense m’a bien sûr donné la motivation pour continuer mais je débute bientôt en troisième année de thèse et un autre défi se profile devant moi : la rédaction de la thèse !
En attendant, je prépare un nouveau projet. Je serai au Dôme le 19 mai 2025 dans le cadre du festival “Pint of Science” pour expliquer, avec mon collègue Vincent Bosquet, comment l’on étudie l’Univers à partir des faisceaux du GANIL.
Ah oui ! Une dernière chose : il faut aussi absolument que je recontacte mon ancien professeur de lycée pour l’inviter à visiter le GANIL avec ses élèves !
Le concours “Ma thèse en 180 secondes” est organisé par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et France universités. En Normandie, il est coordonné par Normandie université et le CNRS Paris-Normandie, en partenariat avec Le Dôme et le soutien de la CASDEN Banque populaire.
Crédits : Le Dôme / G. Dupuy (DR)
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